Le 8 février dernier, j’ai eu le grand plaisir, même si ce n’était que pour une seule journée,d’emboiter le pas au Dr Stanley Vollant, médecin innu qui se consacreà faire redécouvrir leur fierté aux filles et aux fils des Premiers Peuples.

Sa quête, InnuMeshkenu, prend la forme d’une longue marche d’une communauté autochtone à l’autre. J’ai regardé cet homme remonter, puis redescendre le peloton des marcheurs pour faire route un moment avec un participant, l’écouter, le consoler, rire un bon coup. Quelle image!

C’est ainsi qu’un individu à la fois, les Premières Nations reconstitueront leur bienêtre collectif. La boussole qui guidera leur démarche a un nom, selon moi : la résilience sociale.

Depuis que j’écris la chronique Région intelligente, je vous la joue multimédia, chronique et musique pour que vous puissiez lire tout en vous laissant aller à la contemplation auditive. Eh bien, pour vous démontrer le sérieux de la chose, j’ai soumis la questionà un DJ de mes connaissances :

Félix B. Desfossés a donc remporté l’appel d’offres pour la partie musicale de cette chronique.J

La recommandation d’écoute de Félix

La pièce Amendo Na Nooch de Morley Loon

Chanteur cri originaire de Mistissini, il est le premier de sa nation à avoir reçu une diffusion radio considérable pour des morceaux chantés dans sa propre langue.Amendo Na Nooch signifie Compagnons et frères. En résumé, le texte de Morley Loon dit ceci :

« J’ai marché jusqu’au pays des Cris / J’ai vu un Cri du Québec / Le Cri du Québec est plaisant / Je l’apprécie vraiment » Pour écouter cette pièce et plusieurs autres de l’artiste : https://morleyloon.bandcamp.com/track/amendo-na-nooch

Résilience sociale?

Une thèse développée par certains chercheurs* soutient que les sociétés qui réussissent malgré le néolibéralisme ambiant font preuve de résilience sociale.

Ces sociétés s’attèlent à la fois à la notion de bienêtre tant individuel que communautaire. On parle autant ici de bienêtre physique et psychologique comme gage de développement.

Les auteurs cités dans le texte du site La vie des idées.frconstatent que la méritocratie à la Nord-américaine, tout au contraire, laisse croire que la résilience tient à la seule force interne d’un individu. On dira que dans ce modèle, seule la résilience des plus ambitieux mérite une considération.Point.

Cet imaginaire social,qui ne croit donc pas en l’importance des appuis sociaux comme moyens de développement, guide plus d’un

gouvernement et, j’ose le dire, aussi le nôtre à Québec.

Mais comment se fait-il que certaines de nos institutions québécoises et régionales aient tenu le coup contre les vents et marées de l’austérité? Après tout, Trump a résilié Obama Care en une seule signature, laissant 20 millions d’Étatsuniens sans couverture de santé.

Selon plusieurs sources qui citent Gérard Bouchard (oui, oui, celui de la Commission Bouchard-Taylor!), cela tiendrait au fait qu’au Québec, nous conservons encore certains mythes nationaux et un imaginaire fort de cohésion sociale.

Ainsi donc, vision passéiste, la résilience sociale? Pas du tout. Plutôt une réinvention d’anciennes institutions pour faire face au changement, selon A. Swidler.

Au Malawi rural, on réactualise avec un certain succès la notion de chefferie traditionnelle dans les communautés de base afin d’aider les individus et le milieu à faire face aux changements imposés par la logique d’affaires des grandes corporations qui envahissent les campagnes.

Alors, je me prends à penser que le chemin innu de Stanley Vollant, qui reprend la tradition du healing,cette longue marche où l’on se réunit tout en marchant, va aussi réussir à donner une direction à ceux qui marchent dans ses pas. Un futur qui chantera pour les individus grâce au support d’institutions fortes.

*MARTUCCELLI, Danilo. « La résilience sociale en perspectives », La Vie des idées, 25 novembre 2013, ISSN2105-3030. URL :http://www.laviedesidees.fr/La-resilience-sociale-en.html


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