Lors de notre dernier épisode, je plaidais pour un nécessaire débat sur l’imputabilité des élus régionaux. Car je présume que la voix des ruraux et régionaux que nous sommes (ce qui inclut l’artisan-fromager du coin) n’est vraiment pas entendue ni comprise de la plupart de nos élus. Ici, en Occident, où la plupart de nos contemporains sont désabusés de la politique et entretenus dans cette perception par certains « influenceurs », il y a des partis politiques qui, timidement il faut le dire, mettent en rayon l’idée de réformer le mode scrutin. J’ai bien dit en rayon, pas en vitrine. Je vous invite donc à aller en arrière-boutique pour magasiner à travers les différents modes de scrutin, dans le rack des spéciaux de fin de saison. La tablette est pleine!

 

Il y a la méthode de Condorcet. Exemple : avec trois candidats, vous vous retrouvez avec six configurations à choisir dans l’urne. Paul contre Sylvie, Paul contre Pierre, Paul contre Jean, Sylvie contre Paul, Sylvie contre Jean, Jean contre Pierre. Il y a aussi celle de Borda, par laquelle chaque électeur pointe les candidats selon un ordre de préférence, faisant en sorte que la somme des listes préférentielles de tous les électeurs détermine un gagnant. Une calculatrice, quelqu’un? Et j’en passe d’autres : le système à deux tours, la proportionnelle avec une variante mixte, etc.

 

L’enjeu pour nous, résidents des régions, n’est pas que sur le plan du modèle de pondération du vote qui reste mathématique. Le fond de l’affaire est d’amener les élus à répondre d’un programme politique établi sur une base citoyenne régionale ou territoriale.

 

Comme dans ma chronique précédente, j’en reviens aux Grecs de l’Antiquité. Coïncidence, j’entendais récemment sur ICI Abitibi-Témiscamingue un doctorant en sciences politiques à l’UQAM, Hugo Bonin, évoquer la représentation sous forme de tirage au sort parmi les citoyens pour représenter leur milieu. Ne riez pas! L’Irlande mettra cette approche à l’essai.

 

C’est innovant. Ça assure que les élus sont imputables, car ils sont surveillés par notre fromager qui, lui, a été désigné par le sort. Ayant déjà un métier, notre artisan ne moisira pas sur les banquettes de l’Assemblée nationale et voudra aller retourner ses tommes. 

 

Toujours sur la notion d’imputabilité, Boucar Diouf émet l’idée qu’on devrait nommer un Protecteur du scrutin qui forcerait les élus à rendre des comptes régulièrement sur le respect de leurs engagements. Sinon : OUT. Cette proposition est intéressante, mais elle démontre aussi que nous avons besoin d’être protégés. Vulnérables, donc.

 

Ne sommes-nous pas de plus en plus exposés à un clientélisme électoral de bas étage allant du prix de la bière à la deuxième carte d’assurance maladie? À du populisme bas de gamme? Nous devons retourner sur les bancs d’école de la démocratie et réapprendre à jouer notre rôle de citoyens, et ce, dans le cadre de la plus petite unité d’appartenance géographique possible : le quartier, le rang. Diminuer l’individualisme, penser globalement.

 

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« Quelle vaste hypocrisie nous assène pour donner l’impression qu’ils ont la volonté du geste en fonction de c’qu’on adresse? Le pouvoir au peuple est la fausseté la plus crasse » chantait avec cynisme Guillaume Beauregard des Vulgaires Machins en 2010, dans la pièce Le mythe de la démocratie. Moins les politiciens rendent des comptes à la population, plus ils alimentent le cynisme populaire.


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