On a l’impression, quand on est jeune, qu’il y a une foule de gens de notre âge. Elle est plus nombreuse encore à l’université, où tout le monde est beau à outrance, par ailleurs. Dans les bars à la mode, même chose, et plus encore; il s’en trouve même des trop jeunes pour être là en toute légalité.

Dans les cafés à cinq piastres la tasse des grandes villes, alors là, tout le monde a quasiment le même âge! Il se fait une sorte de sélection eugénique fondée sur l’âge et/ou le statut étudiant. Il ne faudrait pas s’étonner, tôt ou tard, que des portiers soient engagés pour exiger une clientèle dans la vingtaine et/ou un statut d’étudiant postsecondaire dans une université reconnue par le Canada.

Pour l’instant, il s’agit encore d’un phénomène sociologique, faut croire. Un jour, dans un cours de ladite science sociale, j’ai vu une pyramide démographique du Québec. Elle n’était pas tant dans le style de Khéops que dans celui d’une toupie : ronde au centre, disons un peu vers le haut. La projection démographique pour 2026, quant à elle, ressemblait davantage à une pyramide, mais à l’envers. Le prof a commencé à parler des impacts socioéconomiques du phénomène, ceux que nous commençons tout juste à ressentir aujourd’hui. La fameuse majorité silencieuse, ça doit être eux. Des centaines de milliers de personnes qui forment ensemble « le vieillissement de la population ». Ils arrivent.

Pour nous qui n’allons jamais mourir, les jeunes, on n’y pense pas trop, à notre vieillissement. Ce n’est pas dans nos perspectives d’avenir. Tout comme les RÉER : on sait que c’est important, mais il est trop tôt ne serait-ce que pour en entendre parler (et puis ça nous emmerde). Plusieurs sont trop occupés à étaler leurs êtres exceptionnels et triomphants sur les réseaux sociaux pour appeler leurs grands-pères une fois par année. Alors ces derniers sombrent lentement dans l’oubli, n’ayant plus d’utilité économique, un rôle familial très réduit, un cercle social restreint. Perchés dans le haut d’une résidence, on les néglige comme s’ils étaient nés pour un p’tit bain.

Et je ne dis pas que les personnes âgées sont toutes seules et malheureuses, ce serait exagéré, bien sûr. Seulement, notre rapport à la vieillesse s’est transformé dans nos sociétés contemporaines : là où l’on voyait jadis de la sagesse, on voit désormais des connaissances « dépassées » si ce n’est de la naïveté. Là où la grand-mère, tricotant et bricolant, était une usine à produits du terroir, elle est aujourd’hui une retraitée économiquement « inactive ». Ils dégringolent rapidement les échelons de la société, voilà tout.

Moi, si j’étais un vieux rangé dans le placard, j’organiserais un grand conseil des vieux sales pour faire la révolution. Je pèterais tout ce qui est du nouveau millénaire et ce serait la fin du nouveau tout neuf. Avec les renforts qui s’en viennent en grand nombre, nul doute que de grandes avancées seraient faites, et vite!