Un vent léger souffle sur ma ville. Le carillon, accroché au coin du garage, résonne. Les feuilles du lilas bruissent sous les tendres rafales de cet après-midi printanier. Des papillons et des taons tourbillonnent autour de l’arbre pour s’abreuver du nectar des fleurs. Ça sent bon! Ça sent la vie partout!

Nos fenêtres sont grandes ouvertes. Elles accueilleront bientôt les cris des enfants qui s’évaderont des écoles pour croquer dans l’été en se gavant de lumière. Sans les masques, nous pourrons contempler leurs sourires libérés!

Les centres-villes s’animent. Plages et terrains de camping débordent de monde. La lumière luit sur tout ce qui verdit. Le prix de l’or se maintient. Tout va bien.

Un hélicoptère se pose dans une clairière et une équipe de combattants d’incendie de forêt en sort avec son matériel. Le peloton se déplace de manière ordonnée, tout le monde sait ce qu’il a à faire. Plus loin, des CL-415 bombardent la tête d’un immense feu qui menace une pourvoirie. La pessière brûle comme l’enfer. Ici, un camp de chasse a été détruit, là gisent les cadavres d’une femelle orignal et d’un faon.

Dans un garage, un couple d’agriculteurs échange avec inquiétude sur l’alimentation du troupeau l’hiver prochain. Pendant ce temps, deux jeunes reboiseuses plantent des arbres. Côte à côte, elles se racontent leur dernière virée à Lebel-sur-Quévillon. L’écho de leurs rires s’évapore sous le soleil qui assèche la forêt boréale. Elles plantent à toute vitesse, car les journées de travail se terminent à midi lors des heures de feu. Comme on les paie à la production, elles s’empressent de mettre en terre les pousses d’épinette. Elles font ce travail pour payer leurs études, mais aussi pour lutter contre les changements climatiques qui inquiètent toute leur génération.

Sur le bord d’un lac, un homme n’arrive pas à mettre son hors-bord à l’eau, car la rampe est trop loin de la rive. La joie de sa fille, qui voulait aller au doré avec son père, s’éteint légèrement. Ils visiteront les grands-parents à la place. Demain, on trouvera un autre endroit pour naviguer.

Des dizaines de nos semblables s’affairent à leur jardin. L’eau manque dans les puits, car il n’a pas beaucoup neigé cet hiver et la pluie se raréfie. Ailleurs, on s’agglutine autour des comptoirs de crème glacée. Sinon, on cherche de l’ombre. Tous les endroits publics climatisés grouillent d’humains échaudés. Les climatiseurs et ventilateurs sont en rupture de stock.

J’écris ces lignes le 18 juin, à l’orée du solstice. Le scénario que j’évoque dans cette chronique s’est répété plusieurs fois depuis, la fin des années 1990. C’était avant que les reboiseuses, évoquées plus haut, naissent. Je ne nous souhaite jamais un été semblable. Toutefois, sur les réseaux sociaux, des gens, peut-être vos voisins, nient encore la réalité des changements climatiques comme d’autres réfutent celle de la crise sanitaire. Mais que faut-il de plus?

Je nous souhaite de la pluie et un bel été!


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