La PCU qui s’étire et le manque criant de main-d’œuvre, la chute de Kaboul et ses 20 ans de guerre pour rien, le déclenchement des élections, le terrible séisme en Haïti… On voudrait éviter de parler COVID, mais c’est toujours difficile.

Je suis vacciné deux fois. Ce qui ne m’empêche pas de réfléchir, de remettre en question et de croire qu’on arrive sur des terrains glissants.

D’abord, premier glissement, premier doigt, le passeport vaccinal, qui sera obligatoire pour accéder à certains lieux publics. Rappelons qu’il y a un an, on se moquait des complotistes qui parlaient déjà de passeport et d’obligation vaccinale. On y est tout de même. C’est en France, mais Macron avait promis qu’il n’y aurait pas de « pass sanitaire ». Il est en place depuis le 9 août dernier.

Ce passeport, qu’on le veuille ou non, a comme conséquence première de catégoriser les citoyens. Diviser et stigmatiser n’est jamais une bonne idée, et ça se termine toujours mal. Surtout que le vaccin n’empêche ni la propagation ni la contamination, surtout qu’au resto du coin où on ira manger après avoir présenté le code QR, la serveuse, elle, ne sera peut-être pas vaccinée. C’est une mesure somme toute disproportionnée, les éclosions passées s’étant surtout faites au travail, dans les écoles et les milieux de soins. Son rôle sanitaire est surtout d’inciter à la vaccination, comme la pathétique loterie.

Souvent, on obéit non pas par crainte des autorités (ou du virus!), mais pour raffermir son attachement à l’ordre social. (C’est de La Boétie, l’idée… confirmée par les égoportraits des nouveaux vaccinés!)

On peut écouter les craintes de certains sur le vaccin. Sur le passeport aussi. Gilles Nolin disait : « Il n’y a rien de plus permanent que le temporaire. » Pourquoi pas, un jour, un passeport écologique pour limiter les déplacements, la consommation et la production de CO2? N’y a-t-il pas urgence climatique? Inquiétant aussi d’entendre Legault dire qu’il ne voulait pas de débat parlementaire sur la question.

Autre glissement, autre doigt, Patrick Lagacé chroniquait début août et posait la question : doit-on soigner les non-vaccinés? Vous me direz que vous avez lu et qu’à la fin, il disait que oui. Bonne nouvelle, on le remercie. Le problème, c’est déjà de poser la question. C’est insidieux et ça distille l’idée quand même. Lentement. Et certains d’applaudir et de demander de couper des cartes-soleil. Nous sommes tous Québécois, nous contribuons tous au système. Donc, on soigne tout le monde : fumeurs, obèses, chauffards ivres, tueurs. C’est sans appel.

Déjà, l’an passé, le philosophe Bernard-Henri Lévy parlait du virus qui rend fou, qui favorise la montée des discours obsessionnels et de l’avènement d’un délire sanitaire qui pourrait profiter aux leaders de partout aux mauvaises intentions et aux déclinistes qui ne voudront plus « recommencer comme avant », drogués aux écrans qu’ils sont, à prendre goût au repli sur soi.

D’autres engrenages.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.